Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh, prennent le pouvoir et font évacuer la capitale. C’est l’épilogue de presque dix années d’une guerre civile qui aboutit à la plus effrayante des dictatures communistes qui fit disparaître un quart de la population du pays.
À cette époque, Mak Remissa a 5 ans et une partie de sa famille est assassinée ou torturée par le régime khmer. À travers cette exposition, Mak Remissa revient sur ce drame et tente de s’approprier son histoire. S’inspirant de la tradition des "grands cuirs", théâtre d’ombres cambodgien, il fabrique ses images à partir de papiers découpés photographiés à contre jour et éclairés par un feu de noix de coco dont la fumée nimbe l’ensemble.
Il y a des petits hommes en noir, le Wat Phnom (temple fondateur de la ville), les scooters abandonnés, cette foule poussant vélos ou motos, emportant ce qu’elle peut, qui marche… fantomatique. Ces images fragiles et poignantes, ces épures de la douleur reconstituent un étonnant parcours de mémoires entre les générations. Une proposition qui fuie les témoignages directs et impose simplement une émotion palpable de formes évidentes, lisibles par tous.
« Comme d’autres Cambodgiens, certains membres de ma famille sont morts assassinés, de la famine, du travail forcé et de la torture sous le régime des Khmers rouges. La plupart de ceux qui ont survécu au régime ne souhaitent pas évoquer des souvenirs aussi douloureux ni même essayer de s’en souvenir, pour éviter une souffrance émotionnelle continue. En conséquence, l’histoire du génocide qui a eu lieu entre 1975 et 1979 au Cambodge s’est peu à peu estompée dans l’esprit des gens, comme une fumée emportée par le vent. Nous, Cambodgiens, ne voulons pas qu’un événement aussi tragique et douloureux se reproduise dans notre mère patrie. C’est pourquoi, afin que les générations futures puissent connaître notre histoire et qu’elle ne disparaisse pas avec le temps, il est important de réconcilier les victimes dans l’optique de réparer leurs souvenirs fragiles et leurs souffrances émotionnelles. « Left three days » (« Partir trois jours ») est une expression clé pour rappeler des souvenirs de mon enfance à cette époque. En particulier le 17 avril 1975, lorsque les troupes des Khmers rouges ont pris le contrôle et occupé la capitale, Phnom Penh. Ce jour-là, on entendait des coups de feu qui déchiraient les oreilles sur des kilomètres autour de la ville. Un frisson me parcourait la colonne vertébrale à chaque coup de feu. Les soldats vêtus de noir – la plupart était très jeune - ont ordonné à tous les habitants de quitter leur domicile pendant trois jours, même les patients devaient quitter les hôpitaux sans aucune information précise. Ma famille s’est cachée dans notre maison pendant une nuit en espérant que la situation changerait. Mais à notre grande consternation, la capitale, jadis si vivante et riche en vie, est devenue une ville fantôme. Conformément aux ordres, tout le monde a été expulsé de la capitale. Les seuls êtres humains qui restaient étaient les troupes des Khmers rouges qui allaient de maison en maison à la recherche des personnes restantes. En raison de l’aggravation de la situation, mon père a décidé de quitter Phnom Penh le lendemain. » Mak Remissa